Le petit enfant, pour avoir la sensation de contrôler un peu ce qui est au dehors, pour avoir une prise sur l’extérieur, doit réaliser des choses, pas juste penser ou désirer, il lui est nécessaire de faire. Jouer, c’est faire ! Se mettre en action !
Au tout début de la relation entre la mère et l’enfant, il existe un espace que le psychanalyste D.W. Winnicott a appelé l’espace potentiel ou l’espace transitionnel.
« L’espace potentiel, un lieu qui n’est ni en dehors de l’enfant, ni à l’intérieur de celui-ci, c’est dans cet espace qu’advient le jeu, il est universel et traduit une bonne santé, il facilite d’ailleurs la croissance. »
C’est en jouant que le petit enfant va établir des relations avec l’extérieur, le monde, les autres. La capacité de jouer reflète une identité « saine ».
Cet espace potentiel entre le bébé et la mère va les mettre en lien, il permet que le jeu advienne. Par le jeu, l’enfant va s’assurer que la relation avec la mère est fiable, que la mère est bien là avec son amour. Au départ, la mère va s’adapter à l’enfant dans la relation, puis petit à petit, elle va introduire ses propres idées et va alors pouvoir naître un jeu en commun au sein de la relation.
« Le jeu est alors envisagé au sens d’une relation de confiance capable de se développer entre le bébé et la mère. En arrière fond au jeu, il y a donc l’amour, c’est la base sans laquelle le jeu n’est pas possible. » D.W. Winnicott.
« Jouer est un acte spontané, non l’expression d’une réponse à une demande. » D.W. Winnicott
L’enfant qui joue est totalement plongé dans cette expérience, il accepte difficilement de quitter cette aire-là et il n’admet pas facilement que quelqu’un s’invite à l’intérieur de ce lieu. Pendant une année, j’ai accompagné une personne dans mes ateliers d’art thérapie qui avait beaucoup de mal à sortir du temps de création. Elle disait entrer dans une bulle, un cocon à elle, en elle, duquel elle n’avait ensuite plus envie de sortir tant elle y était bien. L’atelier lui permettait de se remettre en lien avec cette aire intermédiaire entre dedans et dehors. Au cours de l’année, il lui a été de moins en moins difficile de sortir de cette aire qui n’appartient ni à l’espace psychique interne de l’enfant ni à la réalité extérieure.
« L’enfant y réunit des objets ou des phénomènes issus de sa réalité extérieure et il les utilise en les mettant au service de ce qu’il vit dans sa réalité interne, personnelle. Grâce au jeu, l’enfant manipule les phénomènes extérieurs en les mettant au service de ses rêves. » D.W. Winnicott
Tout individu qui a atteint un stade psychique où il se vit comme une unité comprend une membrane corporelle délimitant un dehors et un dedans. Il dispose alors d’une réalité intérieure (un monde intérieur, riche ou pauvre, en paix ou en guerre) et d’une réalité extérieure.
L’aire intermédiaire, c’est cette troisième partie dans la vie de tout être humain, lieu d’expériences à laquelle contribuent simultanément la réalité intérieure et la réalité extérieure :
«Un espace de quiétude pour l’homme dont la tâche de toute une vie est de maintenir à la fois séparées et reliées la réalité intérieure et la réalité extérieure. » D.W. Winnicott.
La Créativité propose à l’individu de se sentir de nouveau de l’intérieur, connecté à ses sensations, ses ressentis, ses émotions, son vécu interne. En cela, elle contribue à soutenir l’homme dans cette « tâche » citée par Winnicott de garder séparées et reliées le monde interne et le monde externe en lui permettant de trouver une aire intermédiaire au sein de l’espace de création, l’espace de quiétude !
Etre capable de jouer, c’est pouvoir faire une expérience créative, elle est une forme fondamentale de la vie. Le jeu est toujours situé entre subjectif (ce que le sujet perçoit) et objectif (la réalité). Cette expérience créative s’inscrit dans le temps et dans l’espace et elle est intensément réelle pour celui qui joue. En effet, lorsqu’il est plongé dans son jeu, l’enfant est très sérieux, il ne fait pas semblant, il vit totalement ce qu’il est en train de mettre en scène, en forme. Dans le temps de création, ce que vit le participant est bien réel (son rapport à la terre par exemple), il vit une nouvelle expérience, ce n’est pas un « faire semblant ». Dans cet espace-temps, la personne va pouvoir trouver une aire d’expériences semblable à celle du jeu pour l’enfant dans laquelle elle va rejouer des aspects de sa vie.
Alors quel que soit votre âge, votre position sociale,… jouez aux cartes, à cache-cache, aux jeux de société, à la corde à sauter, à colin-maillard, au ballon prisonnier, avec vos enfants, les enfants des autres, en famille, avec vos amis, votre compagnon, votre compagne, c’est stimuler votre créativité et renouer avec une part immensément importante de vous, un espace de santé et de bien-être !!!
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